Symbolique du Mal : l’Éternel
Bienvenue dans notre cinquième et dernier numéro spéculatif à propos des symboles associés aux forces du Mal. Nous avons vu ensemble depuis plus d’un mois, d’abord que le Void n’en était peut-être pas si associé qu’il en a l’air. Puis nous avons détaillé un par un les caractéristiques portées par Varyn – la personnification du Mal opposée à Gaïa – du losange aux tentacules en passant par son vert caractéristique. Aujourd’hui nous évoquons une dernière symbolique plus métaphysique : l’éternel, l’immuable, l’immortel.
Le Mal associé à l’éternel
À première vue, cela va de soi. Sont à noter les zombies dans le blog officiel concernant Hytale Model Maker, les squelettes retrouvés dans leur propre concept art, sur l’illustration n°1, ou encore les rampants et leurs yeux en losange. Au lieu du terme vague d’éternel, nous pourrions parler de morts-vivants dont une force obscure ranime ou prend le contrôle de l’être qu’il soit mort ou vivant ! Ci-dessous, la marque de Varyn figure sur l’araignée ce qui indicerait son contrôle. De même, on pourrait imaginer le Géant casqué contrôlé par cette force obscure, faisant de la créature un mort-vivant, quelque chose qui est là mais sans réelle vie, d’éternel… Voire d’immortel ?
Cette notion semble se retrouver très tôt, dès les premiers croquis ! Dans le concept art en illustration n°3, l’aventurier est déjà incarné comme un mortel. Mais son corps, lui, peut être ranimé et devenir hostile. Une idée de cycle interrompu. D’une vie harmonieuse maltraitée. Le vivant ranimé est moche, dégoûtant, menaçant. Être éternel fait peur. Être mort est synonyme de pourriture. On ressasse, là, deux termes qui se croisent régulièrement très tôt dans notre interprétation : mort et éternel.
Qui dit Mal, dit Bien ?
Pourquoi toujours comprendre les histoires, jeux vidéos et même nos jugements sur la vie, les événements et les personnages comme étant soit tout noir ou soit tout blanc ? Après tout, rappelons-nous que les concepts de Bien et de Mal sont purement artificiels. Ce sont des catégories humaines fortement influencées par notre propre culture. D’accord, nous tombons dans le domaine de la philosophie. Ne nous perdons pas. Posons les choses…
D’une part la mort est redoutée et synonyme de pourriture et de dégoût – dans la plupart des sociétés occidentales elle est même tabou, le jeu vidéo ne fait que refléter une vision des choses. Pour l’éviter, il faudrait être éternel, immortel. Cela va de soi, non ? Pourtant, à l’inverse, l’éternel est synonyme de mort-vivant, d’animer mais sans être soi-même, d’être contrôlé par une force obscure… Vous comprenez le paradoxe ? Où est le Mal, là-dedans ? La mort elle-même ou le fait d’être immortel/éternel ?
Opposons plutôt harmonie et dysharmonie
Nous supposons maintenant que vous commencez à comprendre pourquoi nous optons pour la symbolique « d’éternel » et non « de la mort ». La mort est représentée comme élément naturel dans l’univers d’Hytale. Pensez à la prédation. Croyez-vous que l’animal restera vivant et que le comportement fait juste semblant ? Si c’est le cas, c’est certainement louper de nombreux arguments que propose Hytale en faveur de réalisme (cf. Hytale & Science #1). Mieux encore, les corps des joueurs inanimés gisent sur le sol !
À partir de cet éclaircissement, nous pouvons tirer une réponse plus précise de cette symbolique « d’éternel ». Que ce soit dans Hytale ou dans de nombreux domaines de la vie de tous les jours, le Mal peut se résumer à une chose : le contre-naturel. Pas le surnaturel qui a une connotation fantaisiste et magique, non, ce qui est contre-nature. C’est-à-dire, pour revenir à des expressions culturelles et quotidiennes : le bio Vs le chimique (qui est un débat plus complexe bien évidemment).
Le biais cognitif sous-jacent étant que le chimique perturbe la nature des choses, c’est-à-dire désorganise et entraîne la dysharmonie. C’est pourquoi nous proposons plus justement l’opposition suivante : harmonie Vs dysharmonie. L’éternel (ou le jugé de chimique si vous voulez garder le parallèle) est contre-nature dans le sens qu’il ne permet pas le cycle, l’harmonie et plus globalement la nature et la vie !
La symbolique de l’éternel, c’est le contre-nature, les morts-vivants, la dysharmonie…
Symbolique du Bien : l’harmonie, l’équilibre, la nature
Ce n’est pas parce que nous parlons d’un jeu vidéo que nous devons vous prendre pour des enfants naïfs qui ne comprennent rien au monde et aux histoires. Ainsi, aussi bizarre que ça puisse paraître – de le lire et l’écrire – la mort fait partie de la vie. Tout comme la mort s’oppose à la vie ! Cette sensation de ne pas pouvoir séparer les deux termes, vie et mort, est ce qu’Edgar Morin nomme la dialogique : « deux principes sont unis sans que la dualité se perde dans cette unité. » Edgar Morin est un éminent scientifique philosophe, en bref, un penseur de la complexité – c’est-à-dire, pour reprendre notre expression précédente, ne pas voir soit tout blanc soit tout noir, mais plutôt tout en système, interaction, etc…
Le dernier argument, si vous nous avez suivis jusque là, est le post officiel concernant les PNJ et surtout les Kweebecs. Hytale insiste sur le cycle de la vie. La nature va et vient, naît et meurt, se régénère, évolue, respire, souffle… vie quoi ! Les Kweebecs meurent en devenant arbres, pour laisser place à la prochaine génération. C’est ça l’harmonie de la vie. Un cycle rendant la vie presque sacrée, magique, voire surnaturelle… Tout le contraire du contre-nature et de l’éternel…
Cet article était vraiment intéressant, un point de vue que je préfère largement au principe bine et mal ^^, je suis content que je n’était pas le seul a penser ce jeu un peu plus gris qu’a l’accoutumé ^^