Possible de définir l’ambiance ?
En cet article nous vous proposons de décomposer l’ambiance d’un jeu vidéo et ici donc plus particulièrement Hytale. Alors d’abord, très rapide partie ennuyante pour répondre à la question : qu’est-ce qu’une ambiance ? Selon Larousse.fr elle est un « ensemble des caractères définissant le contexte dans lequel se trouve quelqu’un, un groupe » proche de l’atmosphère dans le sens du « milieu dans lequel on vit, considéré par rapport à l’influence qu’il exerce sur les êtres qui y vivent ». La différence étant qu’une ambiance est liée à ce qui nous enveloppe, à de la sensorialité, de l’émotionnel, et des expériences vécues. En bref, du subjectif. Du qualitatif. Cnrtl.fr la définit comme la « qualité du milieu (matériel, intellectuel, moral) qui environne et conditionne la vie quotidienne d’une personne, d’une collectivité. »
« Si elles ne sont pas ressenties, elles ne sont rien. » (Böhme, 2008)
A priori donc, on ne peut pas réellement appréhender l’ambiance de manière matérielle. C’est quelque chose qui se dégage d’un tout, comme un brouillard invisible ressenti subjectivement par des émotions. L’ambiance est un tout : il y a quelque chose qui dépasse les mots, de difficilement descriptible, quelque chose d’irrationnel. Elle est souvent accompagnée d’un caractère. On parle d’ambiance chaleureuse ou d’une triste ambiance. Mais qu’est-ce qui fait que telle ou telle ambiance soit triste ou chaleureuse ? Est-ce uniquement subjectif ou peut-on créer artificiellement une triste ou chaleureuse ambiance ?
Tuto pour créer une ambiance : l’art de la scénographie
Vous vous doutez de la réponse, bien sûr qu’on peut en créer artificiellement. Que ce soit dans un film, dans une image, une musique, un jeu vidéo, un discours politique ou dans l’urbanisme. Mais pensez aussi aux réseaux sociaux, les filtres et autres retouches qu’on nous propose ! Ainsi, bien que l’ambiance soit grandement subjective, elle ne l’est pas totalement car on peut en créer de toutes pièces – avec des objets (matériels) donc de manière objective et non plus subjective (immatérielle). C’est tout l’art de la scénographie.
Une ambiance s’appréhende comme « un pouvoir qui affecte le sujet. »
(Böhme, 2008) Une sorte de manipulation des émotions d’autrui.
Un art ! On aura beau créer matériellement quelque chose de millimétré et parfait qui se tient parfaitement au plan, l’ambiance recherchée ne sera pas perçue si on ne se met pas à la place de l’observateur. « Il ne s’agit pas de façonner des objets mais de créer des phénomènes. » (Böhme, 2008) Et c’est là tout le travail de l’artiste ; quitte à déformer les objets pour créer le ressenti souhaité comme les proportions sur l’altitude et les objets dans Hytale ! Reste à savoir, quels sont ses objets manipulés pour faire une ambiance dans un jeu vidéo ? Nous allons voir 3 toiles de fond pour la décortiquer : du côté visuel, du côté sonore et une recherche de liants pour créer une unité malgré la diversité.
1. L’ambiance lumineuse
La première chose à laquelle on pense en terme d’ambiance c’est l’éclairage, la luminosité. Un paysage très lumineux est très souvent synonyme d’apaisement. Quand c’est sombre en revanche, bienvenue dans les jeux d’horreur et être prêt à croiser le moindre « claqueur« . Puis vient les couleurs. Et très clairement, la colorimétrie joue un grand rôle pour marquer l’ambiance d’un film, jeu vidéo ou l’ambiance d’une scène particulière. Pensez au jaune de Kill Bill, ou au jaune de Mad Max. C’est jaune ! Mais pas le même jaune et très caractéristique du film en question !
Ci-contre, vous avez à chaque fois un graphique résumant très globalement les couleurs RVB – Rouge-Vert-Bleu – d’un screenshot d’une zone d’Hytale. Les autres couleurs cyan, magenta et jaune ne sont que des additions des trois dernières (cf. illustration n°2). Sur l’histogramme, plus vous allez à droite, plus les tons sont clairs. À l’inverse, vers la gauche c’est sombre. Il suffit d’avoir des yeux pour savoir que la Zone 2 soit majoritairement Rouge. Et que la Zone 3 soit typique du Bleu. Plus les tons sont clairs, plus ça pète aux yeux. Donc le Rouge de la Zone 2 s’étend très largement vers les tons clairs. Pareil pour le bleu de la Zone 3.
C’était juste pour vous introduire les graphiques. Car l’image qui suit (illustration n°4) regroupe plusieurs histogrammes RVB de plusieurs biomes. Bien que ce soit à chaque fois de la verdure, l’ambiance est à chaque fois différente !
Différentes verdures, différentes ambiances
Les plaines et forêts verdoyantes de la Zone 1 offre une douce ambiance prospère avec beaucoup de lumière donnant l’impression d’espace et de pouvoir respirer à pleins poumons. Les couleurs s’étalent très largement vers les tons clairs, par rapport aux autres biomes illustrés, et plus particulièrement le Vert.
Les trois autres exemples sont des ambiances nettement plus sombres. Concernant les marais, on retrouve cette dominance de Vert dans les tons clairs typique de la Zone 1. Même sous l’eau ! Et en pleine Taïga de la Zone 3, la dominance du Bleu dans les tons clairs. Sauf lorsqu’on ne voit ni le ciel, ni la neige, comme pour la première image, où l’herbe brûlée de froid et les troncs font apparaître une dominance du Rouge. Une sensation d’oppression que la nature nous domine, on peut moins s’y balader comme si aucune danger n’existait. Et enfin, en pleine Jungle de la Zone 4, la dominance Rouge est accompagnée du Vert. Une ambiance très chaude, mais beaucoup moins « sèche » que la Zone 2.
2. L’ambiance sonore
Bruitage audio
Au-delà de l’image, l’ambiance sonore est ce qu’il y a certainement de plus important. Les bruitages (blog post officiel sur les bruitages audio ici) rajoutent de l’immersion, au jouant par exemple sur le son stéréo comme expliqué dans le dernier blog post, mais rajoute aussi de la vie comme souligné dans le blog post autour de la Zone 1. Une forêt devient tout de suite vivante si des oiseaux gazouillent et qu’une brise vous caresse le visage. Ci-dessous, nous vous proposons une petite vidéo combinant quelques images, sons, sur une des musiques d’Hytale. Il est encore difficile de récréer une ambiance entière d’Hytale (si ce n’est peut-être les marais) par l’inconnu de sons d’ambiance justement !
Musique
Dans un précédent article autour des musiques et instruments de musiques dans Hytale, nous avons pu rapidement interpréter deux OST d’Oscar Garvin à l’époque nouvellement sorties que sont Traveling Band et Night on the Dune. Deux musiques de deux zones différentes mais dont l’ambiance commune est l’exploration. Chaque phrase sonore fait avancer un thème, un nouvel instrument comme si on découvrait petit à petit le paysage en montant en haut d’une colline. Même chose, chaque phrase se termine calmement par un point, le temps de reprendre sons souffle et pouvoir contempler le paysage.
À l’inverse, Gaia’s Lament est beaucoup plus suspendue dans le temps et dans l’espace, simulant peut-être les vastes espaces désertiques de la Zone 2. Les accords mineurs et les violons sont de sortie. Quelque chose de nostalgique s’y détache. Une triste ambiance. Très clairement on est moins dans l’exploration d’un jeu vidéo mais davantage dans un film ou une cinématique riche en émotions. La musique donne une nouvelle interprétation émotionnelle à une ambiance donnée mais offre surtout du « liant » à une Zone qui peut être très diversifiée.
3. La recherche de liants
Au delà d’afficher la couleur d’une ambiance (nostalgique de la Zone 2, joyeuse et pleine de découverte de la Zone 1 par exemple), la musique permet de lier toutes les ambiances. Et même toute l’histoire de l’aventure d’Hytale avec des thèmes qui reviennent. Des instruments qu’on retrouve d’abord ici puis à 400 km de là ! La musique permet d’être « l’ambiance des ambiances » pour donner une unité artistique à tout ça et pas seulement des biomes séparés les uns des autres. Malgré tout, les couleurs et luminosités seront très nombreuses dans Hytale comparées à des films ou d’autres jeux vidéos – même WoW ou les autres jeux de Riot Games. Est-ce qu’une musique peut à elle seule unifier tout un jeu ? L’avantage d’Hytale étant que son graphisme et son monde cubique soit très atypique et permettent de facilement unifier l’aventure à travers des univers hétérogènes.
Pour s’amuser : l’histogramme RVB, un bon indicateur ?
Bien qu’exploratoire, l’article est déjà long. Terminons. On aurait pu parler d’immersion par l’illusion de mouvement et d’espace en rendant par exemple flou l’arrière-plan ou en créant un brouillard artificiel. On aurait également pu parler du choix artistique et esthétique. Par exemple, dans The Last Of Us II, afin de se rapprocher davantage d’un film, du grain a été expressément rajouté à l’image !
